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		"L'objet gisait au milieu 
		du sentier, parfaitement insolite dans ce cadre bucolique..." 
		Cheftaine en colère 
		 
		L’objet gisait au milieu du 
		sentier, parfaitement insolite dans ce cadre bucolique. Il aurait pu 
		y rester longtemps, sans perturber les filles de notre petite colonie 
		mais, bien entendu, il a fallu que la pimbêche passe par là et le 
		découvre. Parfois je me demande ce qu’on a bien pu faire au bon Dieu 
		pour mériter ça. Avec n’importe qui d’autre, on s’en serait sorti avec 
		un gloussement, un commentaire désabusé, une boutade. Avec elle, 
		l’ineffable, celle qui d’un incident fait une affaire d’état, on a droit 
		au drame, au scandale, à l’émeute. Au cirque. C’est exaspérant. Comment 
		voulez-vous tenir une équipe avec des éléments pareils ? Solidariser un 
		groupe, éduquer ? Elle sape jusqu’à mon autorité de cheftaine. Et ma 
		patience.  
		Et voilà que je m’avance, que je penche 
		la tête, que je regarde d’un œil, le gauche, ça me donne l’air 
		intelligent. Puis je me recule soudain, comme si l’objet menaçait de me 
		sauter dessus. Je glousse et piaille bien sûr, afin que tout le monde 
		sache qu’il se passe quelque chose d’extraordinaire et que j’en suis le 
		centre. En d’autres termes, en criant « venez voir ! ». Venez me voir 
		dans mon show. Voilà que je fais front à nouveau, toute seule encore et 
		brave comme on ne l’est pas, avec un courage que tout le monde se doit 
		de remarquer. Et je regarde toujours, de l’œil droit cette fois. Comme 
		si, en changeant d’angle, j’allais découvrir la nature de l’objet, la 
		raison de sa présence, sa dangerosité ou son caractère inoffensif. Et je 
		m’ébroue, je sautille, je lève la tête au ciel. Ah ! vite, venez tous 
		autour de moi, je me donne en spectacle, que ce ne soit pas pour rien !
		 
		Je la tuerais, cette écervelée, cette 
		dinde ! On dirait vraiment une poule qui a trouvé un couteau. Et qui 
		serait fière de ce rôle d’idiote, en plus. C’est à désespérer de la 
		race. Comment voulez-vous que quelque chose change un jour, qu’on 
		évolue, avec des spécimens pareils ?  
		Bien entendu ce qui doit arriver arrive, 
		adieu la tranquillité ! La belle journée d’été campagnard est foutue. 
		Toute la colonie est en émoi. On se précipite en foule, à commencer par 
		Victor, notre « homme à tout faire », notre coq du village, que dis-je 
		du village ? du pays tout entier, oui. Ah ! celui-là, il n’en rate pas 
		une non plus. Et puis, la pimbêche qui l’appelle, ce n’est pas tous les 
		jours. Elle fait plutôt sa fière d’habitude, le snobant. L’étoile et le 
		bouseux… Mais là, elle crie, « venez voir ! ». C’est une sorte d’appel 
		au secours, non ? Et c’est quand même lui, le mâle par excellence. Celui 
		qui a besoin de trois accents circonflexes au moins pour qu’on n’en 
		doute pas, en plus du roulement des mécaniques. Le mâââle ! Je dois dire 
		qu’il n’a pas à se forcer pour arriver en tête : il est le seul ici. Le 
		rôle est facile et beau, mais ça ne l’empêche pas de porter ses glandes 
		à la place du cerveau et d’avancer comme s’il avait terrassé une armée 
		de rivaux. Lui aussi, il me fait désespérer de la race. L’exact opposé 
		de la pimbêche mais tout aussi à tuer qu’elle. Je m’en veux de ces idées 
		de meurtre, mais je n’en peux plus de prendre sur moi.  
		L’occasion est trop belle, il en profite. 
		La ravissante idiote qui l’appelle et les filles qui accourent. Tout son 
		monde est là. C’est idéal. Il parade. Un paon qui fait la roue. Poussez 
		vous que j’arrive, laissez-moi faire, je m’occupe de tout ! 
		Ecartez-vous, c’est peut-être dangereux. Si quelqu’un doit être blessé, 
		c’est moi. Pas la peine que vous preniez des risques. Je maîtrise…
		 
		Parfois je me dis qu’il vaudrait mieux 
		que je sois morte plutôt que d’entendre de pareilles inepties. Elles 
		m’appellent la mère poule ou la ronchon, la sage aussi, à cause de mon 
		expérience. Mais je crois que toute ma sagesse se change en désespoir 
		quand je vois ça. J’ai de moins en moins envie d’être la caution morale 
		du groupe, la référence. La responsable. Qu’on me laisse en paix ! Qu’on 
		se débrouille sans moi !  
		Mais non, le cirque continue. Les deux 
		vedettes sont en place, qui se disputent le beau rôle. Et toute la cour 
		est là, qui compte les points. Pas une pour sauver l’autre ! Pas une qui 
		passerait son chemin après avoir jeté un regard à la chose qui n’en 
		mérite pas davantage. Des moutons ! Des dindes ! Des écervelées. Quand 
		je serai partie, je me demande qui leur évitera de foncer 
		systématiquement tête première dans le mur. Remarquez… pour ce qu’elles 
		valent… Pourquoi diable ne puis-je me contenter du bon temps présent ? 
		Pourquoi faut-il toujours que j’espère ? Que je porte le poids du monde 
		sur le dos ? Je suis lasse, si lasse…  
		Voilà notre Victor qui chante victoire. 
		Je me demande quelle explication il peut bien donner. Une stupidité bien 
		enrobée, comme toujours. Qui n’a pas l’air de convaincre, à ce que je 
		vois. On continue à étudier la chose et la pimbêche ne lâche pas le 
		morceau. Et vas-y que je caquette, que je glousse, que je me hausse du 
		col et que je pérore ! Comme si on pouvait croire un mot de ce qui fuit 
		de ce cerveau vide ! Tiens ! la petite rousse qui lui répond. Qui la 
		contre, manifestement. Ça ne va pas plaire à la reine du monde ! Elle me 
		plaît bien, cette petite. C’est loin d’être une tête de linotte. Dommage 
		qu’elle se laisse trop influencer. Ah ! La voilà qui vient me chercher 
		pour que je donne mon avis. Que je règle la question, encore une fois. 
		C’est gentil de penser à moi mais je m’en passerais, de leurs idioties. 
		Allez ! Jouons encore notre rôle d’ancêtre pleine de sagesse. Allons 
		voir, allons calmer le jeu. Et clouer quelques becs.  
		Je me hâte avec une lenteur étudiée pour 
		traverser le pré et descendre dans le chemin qui contourne les 
		bâtiments. Il est bon de rappeler, de quelque façon que ce soit et le 
		comportement en est une, qui est la tête pensante ici. Et il n’est pas 
		mauvais non plus de se faire attendre et de jouer à la star qui descend 
		le grand escalier. Tout le monde me regarde, c’est agréable à constater. 
		- Alors, que se passe-t-il qui vous met dans ces états ? Les réponses 
		fusent de tous côtés. Je fais taire. Victor continue quand même. Et la 
		pimbêche. Ni l’un ni l’autre ne veut céder la première place. Ce qu’ils 
		peuvent m’agacer, avec leur prétention ! Et leurs explications crétines. 
		Un seul coup d’œil et j’ai compris de quoi il s’agissait. Je n’ai pas de 
		mérite, l’ancienneté me vaut une expérience que tous ces jeunes ne 
		peuvent avoir. Mais la modestie quand même, ce n’est pas une question 
		d’âge ! L’humilité. La simplicité. Reconnaître qu’on ne sait pas. 
		Demander. Apprendre. S’élever, ou essayer. Mais non… Au lieu de ça, ils 
		inventent. Ils se glorifient. La jeunesse n’explique pas tout. Et ne 
		justifie pas l’arrogance. Voilà que la pimbêche veut m’en remontrer ! 
		Alors là, ma petite, tu vas trouver à qui parler ! Elle me croit 
		ramollie. Je vais te la clouer au sol, la Sainte-nitouche !  
		- Arrête d’aligner les idioties comme d’autres les perles !  
		Stupéfaction générale. Silence. Je savoure et fais durer le suspense. 
		Mon plaisir aussi.  
		- Ce que tu vois là, pauvre ignare, c’est un couteau. Le couteau pointu 
		de la fermière. Et sais-tu à quoi il sert, ce couteau qui brille ? 
		Sais-tu où tu le reverras un jour ?  
		Je m’enflamme. J’ai haussé le ton. Je me dresse sur mes ergots.  
		- C’est planté dans ton cou, que tu le verras, pauvre écervelée ! Et ce 
		que tu prends pour du jus de fraise sur la lame, c’est le sang de ta 
		copine qu’on est venue chercher tout à l’heure et qui a tant crié. Ah ! 
		tu étais bien contente que ça tombe sur elle, que ce soit elle et non 
		toi que la fermière emporte. Mais ton tour viendra, ne crois pas le 
		contraire. Tes belles plumes ne te sauveront pas.  
		J’assène. Je martèle.  
		- Tu n’y échapperas pas. Aucune n’y échappera. On est là pour ça. Pour 
		engraisser et être mangées. Oui, même celles qu’on garde, comme moi, 
		pour les œufs. Un jour vient où on préfère les remplacer par des jeunes 
		qui produisent davantage. Vous êtes toutes condamnées et c’est ce 
		couteau qui vous tuera. La fermière l’a jeté par mégarde en même temps 
		que les déchets de votre sœur que vous vous êtes disputés. Dont vous 
		vous êtes régalées ! Cannibales !  
		Je hurle à leurs têtes médusées ces vérités qu’elles font tout pour 
		occulter. Je me régale de les terrasser de peur, d’effroi. La mort en 
		face, je leur fais regarder ! Tout le monde s’égaille vite. Si elles 
		étaient autruches elles fourreraient la tête dans le sol afin d’effacer 
		tout en ne voyant plus rien. Elles ne sont que poules, elles la glissent 
		sous l’aile.  
		- Vous y passerez toutes. Vous n’êtes là que pour ça. Et vous ne savez 
		même pas reconnaître l’instrument qui vous saignera ! Bande d’idiotes 
		bonnes à tuer. Poules mouillées ! On va vous farcir et ce sera bien 
		fait.  
		Ah ! Mon dieu, que c’est bon de se 
		défouler. J’ai de la place tout à coup. Tout le monde a fui. Même le 
		Victor. Il n’a pas supporté que je le traite de coq au vin en puissance. 
		Et encore moins que je lui apprenne comment seront cuisinés ses précieux 
		rognons blancs ! Le pauvre, j’ai honte, il va en faire une maladie. Mais 
		aussi, elles n’ont qu’à réagir ! Il n’y a pas de clôture chez nous. Il 
		suffit de quitter la cour, de traverser le pré, de s’enfoncer dans le 
		bois et à nous la liberté ! Ah ! oui… Le renard... Eh bien oui, le 
		renard. Mais je crois bien que je préfère les canines du renard à la 
		lame de ce couteau.  
		- Ciao les filles ! Ciao Victor ! Je me tire. Pour les quelques jours, 
		ou les quelques heures, qui me restent, je vais me promener. Je dirai 
		bonjour au renard pour vous.  
		Tout le monde me regarde de loin, médusé. 
		Telle une reine qui abdique, drapée de dignité fatale, je traverse 
		lentement le pré et monte vers le bois dans lequel aucune patte ne 
		s’aventure jamais. Sauf les miennes. J’ai souvenir que, jeune mère en 
		puissance, j’avais préféré couver mes œufs dans le creux des racines 
		d’un arbre et revenir à la ferme une fois mes poussins éclos. La 
		fermière en avait poussé des cris de surprise et de joie. Je crois bien 
		que cet exploit m’a valu de vivre plus longtemps que mes sœurs de 
		promotion.  
		Je me paie une promenade en pays de 
		nostalgie, juste pour faire réfléchir la troupe soumise. Leur faire 
		peur. Et peut-être prendre conscience. Mais je ne rêve pas. La 
		révolution aviaire n’est pas pour demain. Et je sais bien qu’avant la 
		nuit je reviendrai me mettre à l’abri des dents du renard dans le 
		poulailler où, un jour, pas très lointain maintenant, la fermière me 
		saisira par les pattes et les ailes et m’emportera dans le hangar où 
		elle me plantera le couteau dans le cou. Le couteau… cet objet gisant au 
		milieu du sentier, parfaitement insolite dans ce cadre bucolique… 
		 
		Texte de Serge Calmels, 
		Argelès-sur-Mer (66), 2010 
        
          
            
              
                
                 
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                Une symphonie pastorale 
				L'objet gisait au milieu du 
				sentier, parfaitement insolite dans ce cadre bucolique... En 
				fait, c'est son chant que j'avais d'abord perçu. Quelques 
				mesures de la symphonie pastorale qui se répétaient en boucle… 
				Comme un chant d'oiseau et d'espérance dans le paysage encore 
				intact, mais muet. Et, d'un coup, ce téléphone portable, en 
				plein centre du chemin, et que le soleil faisait étinceler. Et 
				cette mélodie qui s'arrêta net dès que je le saisis... Je le 
				considérai attentivement, le retournai dans ma main avant de 
				déclencher la touche rappel. Cet objet familier voilà encore 
				quelques jours, placé à mes pieds aujourd’hui, semblait comme un 
				signal. Pourtant, répondre me parut une indiscrétion. "Sans 
				doute les premiers effets d'une déshydratation, pensai-je, se 
				font-ils sentir : je délire." La phrase qui avait traversé mon 
				esprit en apercevant le téléphone me revint : "l'objet gisait au 
				milieu du sentier, parfaitement insolite dans ce cadre 
				bucolique". .. En tant qu'aspirant-écrivain, j'étais accoutumé à 
				voir ainsi surgir des formules faciles et souvent trompeuses 
				quant à leur intérêt, et je m'attardai un instant sur ce terme 
				d'"objet gisant", parfaitement grotesque. Sans doute m'avait-il 
				été inspiré par tous ces cadavres étendus, hommes et animaux 
				unis dans le silence et les odeurs de mort avancée, où même les 
				respirations légères du vent n'étaient plus qu' haleines 
				putrides. Images de gisants pétrifiés, mais recroquevillés, 
				tordus sur eux-mêmes, qui se multipliaient sur mon chemin.
				 
				Je m'assis sur le talus voisin 
				afin de boire un peu. Ma provision de jus de fruits s'épuisait. 
				Je devais rejoindre un lieu où trouver à boire. Le virus avait 
				été essaimé dans toutes les installations d'épuration d'eau 
				accessibles rendant les villes inhabitables, et manifestement 
				les gens ne savaient comment répondre à cette attaque. Pour 
				l'instant, les eaux embouteillées avaient été réquisitionnées 
				pour les personnalités "légitimes".  
				Il fallait entendre par là les 
				"responsables de la chose publique" : politiques, techniciens 
				d’agences et d’équipements dédiés, pompes funèbres et 
				apparentés, tous ceux qui avaient un rôle dans le combat contre 
				l'empoisonnement, qui prétendaient concourir à des solutions 
				possibles, ou qui informaient, traitaient ou faisaient semblant 
				...  
				Les autres, les humbles comme 
				moi, les démunis, nous errions à la recherche de ruisseaux 
				épargnés, issus de nappes ou de glaciers, et les sentiers allant 
				vers les montagnes se retrouvaient progressivement l'objet d'une 
				fréquentation intense de gens épuisés, mais continuant d'engager 
				toutes leurs forces dans des courses éperdues, plus ou moins 
				bien équipés, en chasse de ressources éventuelles, au hasard, y 
				compris de magasins vite dévalisés.  
				Mais voilà que le téléphone se 
				remettait à m’adresser cette mélodie qui avait évoqué si 
				longtemps et pour autant de gens un paysage « bucolique »…Il 
				fallait rompre le charme.  
				Je « décrochai ».  
				« Allo ? dit une voix féminine, quasi inaudible, vous avez 
				retrouvé mon téléphone, où est-il ? Où êtes-vous ?"  
				J’aurais dû m’en douter ! Rien que de très banal. Voilà quelques 
				jours, je n’aurais pas été étonné d'un tel enchaînement. 
				Aujourd’hui, tout me surprenait, même d'avoir quelqu'un "en 
				ligne".  
				"Bonjour, dis-je. Je m’appelle Abel.  
				Il y eut un silence.  
				- Ah, oui, pardon reprit la voix, toujours mal assurée. Je 
				m’appelle Marie. J’ai tous les numéros de téléphone de mes amis 
				et de ma famille sur mon portable. Je l’ai perdu en sortant de 
				chez moi, ou presque… Je voudrais savoir s’ils sont vivants, où 
				ils vont, où ils sont. Je vous en prie ou puis-je vous rejoindre 
				?  
				- Je suis à l’Aldret, sur le sentier dit des chardons, et je 
				vais vers le Mont des Ayguïs.  
				- Je suis à trois kilomètres à peu près en amont de vous. Je 
				vous attends si vous voulez bien."  
				Si je le voulais ! Echanger avec 
				quelqu’un me paraissait presque aussi indispensable à présent 
				que boire.  
				Je croisais bien des inconnus, 
				certains me doublaient, seuls ou en groupes, pressés, comme 
				persuadés qu’il n’y aurait pas assez d’eau pour tous. J'avais 
				même l'impression qu'ils m'évitaient. Nous serions concurrents, 
				me disais-je ? Peut-être avaient-ils raison. Moi, je hâtai le 
				pas pour rejoindre mon interlocutrice. Je me mis à les dépasser.
				 
				Moins d’une demi-heure après, je 
				la devinai. Son regard cherchait celui qui allait lui permettre 
				de retrouver rapidement ceux qu’elle aimait, de savoir ce qu’ils 
				devenaient, de n’être plus seule pour affronter ce qui n’avait 
				pas encore de nom …  
				Je lui tendis le téléphone que je 
				n’avais pas lâché. Elle le saisit vivement, chercha dans son 
				répertoire, et lança un appel. Je comptais les sonneries, je 
				suppliais intérieurement cet homme ou cette femme au loin, de 
				répondre, vite.  
				Je voyais le visage fatigué se 
				creuser de plus en plus, avant qu’elle n’abandonne.  
				« Personne » dit-elle.  
				Elle recommença, trois, quatre fois peut-être. Je ne savais pas 
				si c’étaient des personnes différentes ou toujours la même 
				qu’elle interpellait ainsi. Quel amour, quelle affection les 
				liait. Ce que j'entendais, c’est la fêlure dans la voix. Ce que 
				j’ai vu c’est le regard qui vacillait légèrement. « Personne, a 
				t’elle répété ». J’ai dit : « ça ne prouve rien ». Elle a dit « 
				non, bien sûr ».  
				Ni l’un ni l’autre nous ne 
				croyions ce que nous disions. Nous ne croyions pas non plus le 
				contraire. Tout était en suspens, nous aussi.  
				Moi, je savais que j’étais seul. 
				J’étudiais en ville depuis huit jours à peine. Rien ni personne 
				ne me retenait plus dans mon pays, alors j’avais décidé de venir 
				me perfectionner en français, d'écrire un roman peut-être, avec 
				un poste de serveur trouvé sur internet pour gagner ma vie. Je 
				n’avais pas eu le temps de nouer des relations.  
				La veille, je m’étais couché vers 
				deux heures du matin, et levé vers midi. En me réveillant, 
				j'avais tout pris d'un coup en plein visage en ouvrant les 
				volets et en mettant la télévision. Cela ne demandait aucune 
				réflexion : le temps de faire un sac à dos, d’y charger les jus 
				de fruits qui traînaient dans le frigo, et de prendre un anorak 
				bien chaud, et j’étais parti.  
				C’est seulement sur la route que 
				je découvris peu à peu la réalité. Le silence et les pleurs, les 
				pleurs dans le silence ; les morts, les gens qui fuient la 
				ville, funèbre exode, en groupes, en famille, en voitures, en 
				vélo, à pied.  
				Des morts, des morts, des morts. 
				Pendant des heures, pendant que je dormais. Et tout de suite, 
				l’eau en accusation, et la ville qui se vide des vivants, sans 
				savoir où ils vont vraiment. Etre les premiers dans un lieu ou 
				l’eau potable est assurée. Se protéger, protéger les leurs, 
				leurs enfants. Occuper des lieux, des chambres d’hôtels, des 
				gîtes, des maisons, des étables, des églises. Puis voir. Plus 
				tard. Pouvoir attendre. Evaluer la situation.  
				J’étais seul. Elle était seule. 
				Nous étions deux.  
				Je lui tendis la main et je me 
				présentai à nouveau : « Abel ». Elle me regarda prenant 
				doucement la mienne : « Marie ». Elle était défaite. Sans doute 
				était-elle aussi partie à la hâte. Elle avait froid. « Trop peu 
				couverte » pensai-je en l’enveloppant de mon anorak ; « trop 
				seule aussi à présent » pensai-je, et je pris ses cinquante ans 
				par le bras pour avancer ensemble, se sauver ensemble. Ce furent 
				plusieurs heures de marche en silence.  
				Le long du ruisseau du Mont 
				Ayguîs, nous vîmes les gens qui s’agglutinaient, buvaient, 
				remplissaient des bouteilles, cherchaient à se loger pour la 
				nuit. Les habitants ouvraient leurs maisons aux enfants ; leurs 
				étables, leurs greniers et leurs remises aux autres. Animaux et 
				humains se lovaient dans leur chaleur commune. Nous nous sommes 
				entassés avec eux tous, épuisés, harassés, endormis dans les 
				bruits des radios qui débitaient des catastrophismes imprécis, 
				des analyses surréalistes, mais ensemble comme mère et fils, 
				comme deux frères orphelins, jusqu’au petit jour.  
				Jour après jour, la situation 
				évolua rapidement. Il fut clair que les morts étaient 
				innombrables, au point que les douleurs se neutralisaient les 
				unes les autres. Il fallut s’organiser : les villes se 
				trouvèrent vidées pour un temps indéterminé. Les gens se 
				regroupaient auprès des sources et autres approvisionnements 
				directs ou s’exilaient dans les autres pays non agressés. Le 
				plus dur, ce ne fut peut-être pas l’attaque et ses dégâts, mais 
				plutôt les émeutes qui s’ensuivirent. Les hommes se donnent 
				bonne conscience avec cette idée que les guerres et les crises 
				déclenchent des solidarités et de l’espérance dans la nature 
				humaine. La réalité fut toute autre : prises de pouvoir ou de 
				possessions par la force, vols, pillages, marchés clandestins et 
				assassinats se multiplièrent pendant plusieurs semaines. 
				 
				Marie ne retrouva aucun proche. 
				Dans une société bouleversée et agressive, je décidai de 
				m’expatrier : j’envisageai rapidement de retourner dans mon pays 
				où je pouvais retrouver des repères. J’expliquai ma décision à 
				Marie. Elle pleura. Je ne pus que lui proposer de venir avec moi 
				pour construire une vie ailleurs. Je sentais bien que, vu nos 
				âges, ces mots ne résonnaient pas de la même façon pour elle et 
				pour moi. Mais j’avais pris la décision : nous irions ensemble. 
				J’avais besoin de Marie. Cette relation était devenue intense, 
				portée par une situation exceptionnelle. Nous nous soutenions 
				selon les moments et cheminions comme deux grands blessés. Je 
				lui expliquai. Elle accepta. Nous avons pu faire quelques 
				provisions d’eau à prix d’or ; nous sommes allés rechercher sa 
				voiture. J'ai pris un CD de la Symphonie pastorale…Pour la 
				route. Nous avons rassemblé quelques affaires et nous nous 
				sommes dirigés vers la frontière.  
				Les frontières étaient bloquées. 
				Des centaines de personnes s'y pressaient, s'écrasaient contre 
				des grillages en cours d'installation. D'anciens immigrés 
				essayaient de faire valoir des droits qu'ils avaient tenté de 
				faire oublier il y a quelques semaines encore. Traînant Marie, 
				je jouai des coudes et de civilité, selon les moments. 
				J'approchai enfin un policier qui, épaule à épaule avec 
				d'autres, gardait le passage en attendant la fin de la pose de 
				la clôture. Il regarda mes documents. Je revenais au Pays. 
				J'avais le droit de passer. Je regardai Marie :  
				"C'est ma mère, me suis-je entendu dire, elle a perdu ses 
				papiers dans la déroute générale. 
				- Alors, sans papiers, impossible" dit-il, nous ne faisons 
				aucune exception. Les gens s'entretuent assez comme ça."  
				Je reculai. Marie avait compris au-delà d'un langage qui lui 
				était étranger.  
				"Vas-y", a t'elle dit.  
				Je la regardai. Les larmes coulaient de son visage. J'insistai
				 
				"Elle n'a plus que moi".  
				- Et eux tous ?"  
				Il désignait les vieux, les enfants, les malades, accrochés aux 
				proches qui leur restaient. Je reculai de quelques pas. Je dis à 
				Marie :  
				"Nous avons de l'eau pour deux ou trois jours dans la voiture, 
				Je reste avec toi. On verra d'ici là. Je peux toujours rentrer 
				apparemment".  
				Elle me sourit confiante. En quelques instants, elle avait 
				réfléchi. Devant cette explosion de douleurs et de violences, 
				elle avait pris sa décision. Elle m'a dit :  
				"Moi je boirai l'eau de la ville, Toi tu me tiendras la main. 
				Après tu partiras. 
				Nous avons fait comme elle l'a voulu. Elle m'a donné son 
				téléphone, elle m'a dit :  
				"Tu garderas la musique d'appel, et si on me téléphone, tu 
				expliqueras ?".  
				J'ai dit "bien sûr", mais surtout je lui ai demandé de sourire. 
				J'ai pris sa photo, et je n'ai plus lâché sa main.  
				Depuis, j'ai souvent serré dans 
				ma main ce petit objet, que j’avais trouvé étincelant sur ce 
				sentier de désespoir, devenu muet, rangé à présent sous le cadre 
				de Marie, face à moi, comme un trait d'union définitif entre 
				nous, signe d'une intense tendresse humaine dans un enfer de 
				barbarie. 
				Texte de Marie-Josèphe 
				Carrieu-Costa, 
				Toulouse (31), 2010 
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                Le bouquet 
				L'objet gisait, au milieu du 
				sentier, parfaitement insolite dans ce cadre bucolique et 
				visiblement sorti tout droit d'une boutique citadine. Il 
				attirait l'œil par ses couleurs vives et, surtout, cet entêtant 
				parfum de fleurs difficile à identifier. Inhabituelle fragrance, 
				troublante et incongrue sur ce sentier de randonnée très 
				fréquenté. En s'approchant, on distinguait très nettement un 
				bouquet bien agencé, constitué exclusivement de fleurs bleues, 
				en petites corolles serrées, élégamment nouées par un ruban 
				rouge, très long. L'odeur était presque désagréable, tant elle 
				vous prenait à la gorge.  
				Il flottait sur ce lieu une 
				impression de malaise : contraste trop puissant entre ce bouquet 
				sophistiqué, au bleu artificiel, perdu (?) parmi les champs 
				récemment fauchés, et les raisons de sa présence, qu'on 
				pressentait macabres. Le train passait régulièrement à 
				proximité, il était peu probable que, par une fenêtre ouverte, 
				on se fût contenté de jeter inconsidérément sur le chemin de 
				promenade ce bouquet aux allures de 14 juillet.  
				Le contrôleur du train Corail 
				n°1407 me réveilla avec une douceur inhabituelle. Sa main tiède 
				exerça une pression légère, ''contrôlée'' mais néanmoins 
				sensible, sur mon avant-bras gauche, nu et bronzé, dont le fin 
				duvet blond frémit sous la caresse. La main se posa à peine trop 
				longtemps. J'avais déjà, un peu trop vite, ouvert spontanément 
				les yeux - que j'avais très bleus - mais cette main s'attardait 
				encore, pendant ce quart de seconde superflu, révélateur du 
				plaisir qu'elle y prenait.  
				Je lus dans son regard l'agréable 
				surprise de découvrir, sur le haut de mon visage frais, sagement 
				endormi et encore inconnu vingt secondes plus tôt, deux 
				prunelles bleues qui ne semblaient pas lui déplaire. Il avait 
				lui-même un visage très avenant, de type méridional, des yeux de 
				velours marron et une belle bouche, un regard souriant et des 
				cheveux d'un châtain profond.  
				Il se taisait et semblait avoir 
				tout son temps, ce qui n'est pas fréquent chez les agents de la 
				SNCF, car un train entier l'attendait. Je me souvenais d'être 
				montée dans la première voiture... à moins que ce ne fût la 
				dernière ? Combien de temps avais-je dormi au juste ? 
				 
				Pas encore totalement éveillée, 
				je compris toutefois que je devais montrer mon billet. C'était 
				l'évidence même et il n'avait pas besoin de la formuler. Il 
				attendait tout simplement que je m'exécute et il souriait des 
				yeux, qu'il avait décidément très caressants. Je me souvins 
				alors vaguement qu'il m'avait réveillée en plein rêve érotique, 
				d'où l'impact de sa caresse sur mon bras.  
				Mes lèvres légèrement gonflées 
				s'entrouvrirent et ma conscience encore ensommeillée se perdit 
				du côté de mon sac. Je me savais désirable à cet instant sans 
				toutefois en avoir une perception claire. C'est alors que je 
				m'aperçus que le premier bouton de mon chemisier, déjà fort 
				échancré, s'était opportunément ouvert pendant mon sommeil et 
				qu'il dévoilait abondamment mon sein droit, que j'avais bien 
				galbé – le gauche aussi, d'ailleurs -  
				Un léger mouvement d'épaule eut 
				tôt fait d'accentuer l'ouverture indiscrète, tandis que je 
				baissais pudiquement les yeux vers mon sac ouvert, y enfonçant 
				le bras non caressé. Je fus alors parcourue d'une idée folle, 
				qui devint rapidement une idée fixe : je voulais sentir la main 
				de cet homme sur mon sein droit, par l'échancrure de mon 
				chemisier de soie. Une caresse à travers l'étoffe ne m'eût pas 
				déçue non plus : la soie est si merveilleusement érotisante que 
				le moindre souffle d'air peut faire dresser le mamelon sous le 
				tissu plaqué, en moins de temps qu'il n'en faut pour y penser. 
				Mais ce que je voulais en cet instant, c'était le contact direct 
				de cette peau qui avait réveillé mon bras et je le voulais avec 
				une telle détermination qu'il me semblait impossible de ne pas 
				l'obtenir dans la minute qui suivrait.  
				Je réalisai soudain que le temps 
				filait et que l'homme aux yeux souriants sous sa casquette 
				étoilée attendait toujours, sans manifester la moindre 
				impatience. En fait, il s'était à peine écoulé quelques secondes 
				depuis mon réveil. Je regardai sa main posée sur le dossier du 
				siège situé devant moi : une belle main aux ongles nets, carrée 
				et dorée, dont je spéculai aussitôt sur le grain de peau, à la 
				lumière de mes expériences passées. Évaluation plus que positive 
				: ce genre d'homme avait, à coup sûr, cet épiderme souple et 
				lisse qui fait la joie des rencontres de peaux. Je voulais cette 
				main sur mon sein et je la voulais tellement que le sein en 
				question, bientôt suivi par l'autre, en gonfla de plaisir 
				anticipé, faisant frémir la soie légère.  
				Je guettai à travers les longs 
				cils bruns le regard à présent à demi baissé, inconsciemment 
				attiré par la rondeur soyeuse, insecte innocent capté par une 
				fleur carnivore... Mais après tout, cela ne devait-il pas être 
				également pour son plus grand plaisir ? Combien de fois cela 
				arrive-t-il dans la vie d'un contrôleur de train d'avoir 
				l'occasion de palper, dans le cadre de ses activités 
				professionnelles, un sein doux et bien galbé ? Qui plus est, 
				surmonté d'un visage frais aux grands yeux bleus, que l'on a dû 
				faire ouvrir pour les besoins du service.  
				Pendant ce temps, mon bras non 
				caressé fouillait mollement et avec une lenteur calculée le sac 
				d'où le billet était tout prêt à bondir. Tout à la fois 
				délicieusement rafraîchissant et excitant, un courant d'air 
				tiède soulevait légèrement mèches de cheveux et vêtements d'été, 
				s'engouffrant dans mon décolleté complice, ce dont personne 
				d'autre ne semblait s'apercevoir.  
				La chaleur pesante, le bercement 
				du train et la brise estivale provoquaient la somnolence des 
				autres voyageurs, qui n'avaient encore rien remarqué. Une mouche 
				entêtée grésillait contre la vitre, agaçante musique de fond 
				soutenant mon manège aguicheur. Je me rendis compte alors que 
				nous n'étions pas seuls au monde et que la scène se déroulait – 
				incognito pour l'instant – devant un wagon entier, de style 
				Corail, mal climatisé et de mauvaise qualité, tel qu'on en 
				fabriquait encore au milieu du siècle dernier.  
				Les prunelles de velours se 
				dilatèrent sous le tir de mon œil bleu trop innocent pour être 
				honnête et, surtout, devant le regard interrogateur du mamelon 
				dressé au garde-à-vous et affleurant effrontément sous le fin 
				tissu. Je voulus vérifier l'impact de mon action, glissant 
				discrètement sous mes cils maquillés vers le pantalon 
				d'uniforme. L'érection était là, sans nul doute, quoique masquée 
				par l'épaisseur de l'étoffe, mais la légère protubérance bien 
				répertoriée ne pouvait échapper à mon œil averti.  
				Il devait me rester quelques 
				secondes avant que le temps écoulé ne devînt inadmissible pour 
				le wagon Corail, pour le contrôleur bleu-marine mutique et pour 
				mon propre corps, flottant entre deux eaux dans une frustration 
				qui n'allait pas tarder à devenir inconfortable.  
				Une publicité datant de l'âge du 
				train me revint en mémoire, celle des lunettes qui déshabillent 
				: je me plus à imaginer mon contrôleur en habit de plongeur, 
				ceint dans un maillot seyant sur une chute de reins qu'il avait 
				certainement bien galbée aussi... épaules larges et bronzées, 
				lunettes-hublots masquant provisoirement son regard velouté et 
				grand tuba dressé majestueusement, juste avant la plongée vers 
				les bancs de corail.  
				Le contact de la banquette en 
				skaï commençait à se faire désagréable sous ma jupe moite et 
				j'en vins à conclure qu'il fallait en rester là et exhiber enfin 
				ce billet triomphal... J'envisageai un instant le scénario de la 
				perte ou de l'oubli, le temps de visualiser la pénible et 
				ambiguë élaboration de l'amende, la gênante et coûteuse 
				tractation financière qui s'ensuivrait, le tout me permettant de 
				gagner du temps, mais pour un résultat des plus hasardeux car 
				l'homme aurait alors les deux mains prises. La mort dans l'âme, 
				je capitulai et sortis le billet avec mon plus enfantin sourire, 
				espérant, d'un mouvement d'épaule adéquat, faire sauter pour 
				l'occasion le bouton suivant, mais en vain.  
				La perforation fut exécutée avec 
				soin et lenteur. L'œil brun gauche glissa sous les cils soyeux 
				pour évaluer une dernière fois l'objet convoité, offert mais non 
				saisi, et l'employé silencieux se tourna enfin de l'autre côté 
				du couloir central, où un petit vieux frôlait la tétanie à force 
				de tenir son billet prêt pour la perforation... Je lorgnai vers 
				le voyageur, épiant dans sa prunelle délavée l'écho de cette 
				lourde minute de silence, mais je ne perçus aucun indice 
				susceptible de révéler qu'il n'avait rien perdu de la scène du 
				sein dévoilé. J'en profitai donc pour cacher cet objet qu'il ne 
				saurait voir sans risquer un accident cardiovasculaire : pas 
				question de coller sur le dos de ce pauvre contrôleur si mignon 
				l'horrible mort d'un voyageur imprudent !  
				Je décidai alors de me rendormir 
				et d'essayer de retrouver le fil de mon rêve érotique. Après 
				tout, l'interruption avait duré à peine une minute et les 
				événements récents m'avaient amollie davantage encore. Mes seins 
				avaient gentiment repris leur volume initial et leur galbe sage 
				sous le chemisier de soie désormais légèrement moite, mais 
				encore suffisamment fermé pour prévenir tout débordement 
				ultérieur. La tête vide, la bouche pâteuse et les paupières 
				lourdes, j'amorçai un retour au royaume de Morphée.  
				A peine avais-je refermé les yeux 
				qu'une envie inconfortable me poussa à me lever, quelque peu 
				hébétée, et à me diriger vers l'extrémité du wagon. Quelle ne 
				fut pas ma surprise de découvrir que le contrôleur bleu-marine 
				m'attendait en souriant dans le no man's land situé entre les 
				deux wagons brinquebalants de ce train antédiluvien ! 
				 
				Poussant résolument la porte 
				vitrée, je me dirigeai vers lui sans hésiter et il posa aussitôt 
				les mains sur mes hanches – et non sur mes seins – Toujours dans 
				le mutisme le plus total et plantant son regard velouté dans mes 
				yeux bleus interloqués, il m'embrassa à pleine bouche, fort bien 
				d'ailleurs.  
				Mon chemisier reboutonné 
				s'impatienta de nouveau et je ne tardai pas à frotter ma jupe 
				moite sur son pantalon d'uniforme pour vérifier l'acuité de mes 
				regards. Il faillit perdre le contrôle, ce qui, vu sa fonction, 
				était un comble, lorsqu'il passa enfin sa main droite dans mon 
				chemisier gauche et palpa, tout à fait habilement, le mamelon 
				resté à l'écart jusqu'ici. Celui-ci réagit avec toute la vigueur 
				dont il était capable, tandis que l'autre recevait bientôt les 
				honneurs de ses incisives – qu'il avait fort brillantes et très 
				douces aussi – et que sa main gauche m'enlaçait et pétrissait ma 
				jupe à présent fort chiffonnée.  
				Il se ressaisit soudain, 
				réalisant qu'il ne fallait pas trop compter sur les reflets 
				complices des vitres de séparation et qu'il mettait ses étoiles 
				en danger. Il voulut donc m'entraîner vers le seul abri sûr, 
				quoique fort trivial : les toilettes, dont je redoutais déjà le 
				bruit infernal et les effluves incertains. Je n'eus pas à 
				m'interroger car c'est ce moment que choisit une charmante 
				petite fille aux yeux bleus pour venir faire son petit pipi avec 
				sa mère-grand. Nous les laissâmes passer, tandis qu'il 
				consultait fébrilement son horaire SNCF et que je fouillais dans 
				mon sac à la recherche d'un billet, par exemple.  
				Une fois reparties les innocentes 
				trouble-fête, il me plaqua avec douceur contre la porte et 
				recommença à explorer mon anatomie sous la soie, ce que je 
				laissai faire avec un bonheur non dissimulé. Il me mordillait 
				délicieusement l'oreille comme jamais aucun homme ne l'avait 
				fait avec cette habileté et je dus réprimer l'expression de mon 
				plaisir en griffant sa peau sans ménagements.  
				C'est alors que, craignant d'être 
				à nouveau interrompue par une autre petite fille aux yeux bleus, 
				je voulus gagner du temps. Tout en me laissant embrasser avec 
				volupté, j'ouvris derrière mon dos la poignée de la porte.... Ce 
				n'était pas la porte des toilettes et il n'avait pas anticipé 
				mon geste. Je n'eus que le temps d'apercevoir ses yeux de 
				velours horrifiés, ses incisives douces qui laissèrent échapper 
				un cri (le son de sa voix !) et ses belles mains impuissantes 
				qui avaient lâché prise.  
				Je fus tuée sur le coup mais on 
				ne constata pas de trace de blessure, sinon un fin écoulement de 
				sang par l'oreille, qui me vida totalement de mon sang, le temps 
				que les secours parviennent jusqu'à mon corps inerte. De toute 
				façon, à cette vitesse, c'était sans rémission.  
				Personne n'aurait pu dire 
				exactement qui avait assisté à l'enterrement mais, quelque temps 
				après, un bouquet d'œillets bleus ceint d'un long ruban rouge 
				fut déposé à l'endroit où avait chût mon corps, et l'odeur de 
				ces œillets était si entêtante que les promeneurs du chemin, 
				lorsqu'ils passaient à proximité, en étaient tous troublés et 
				s'en souviennent encore. 
				Texte de Laurence Polère, 
				Boulogne (92), 
				2010  | 
             
            
              
                
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				Et en prime, 
				un 
				quatrième texte, celui  de Nathalie 
				Materne, 
				Castanet-Tolosan (31), 2010 - 
				lauréate lycéenne de notre jury ainsi que du Jury des Lycées de 
				Lycée Bellevue. 
				 
				
				Le dé
				L'objet gisait au milieu du 
				sentier, parfaitement insolite dans ce cadre bucolique... La 
				lumière qui ricochait sur sa surface blanche le rendait 
				éblouissant, et me vint la pensée stupide qu'il prenait un malin 
				plaisir à me faire cligner de l'œil.  
				J'étais dans l'un de ces jours où 
				les pensées vagabondent sans logique et où un rien attire 
				l'attention. Vous savez, ces lendemains de jours douloureux, 
				lorsqu'on a compris qu'on est un minable et qu'on a perdu ses 
				rêves d'avenir. Je venais d'abandonner mes études de médecine, 
				au beau milieu de l'année, pour rejoindre la troupe d'incapables 
				« qui n'ont pas supporté la pression », comme le disaient nos 
				anciens camarades d'un air faussement apitoyé.  
				Alors quand ce dé au reflet 
				sournois se présenta sur ma route, je m'arrêtai et le ramassai 
				sans vraiment réfléchir. Je le fis rouler un instant entre mes 
				doigts. Un cube blanc creusé de noir d'une banalité déprimante ; 
				ce qui, étrangement, me plut. « On est un peu pareil toi et moi. 
				On n’a rien d'exceptionnel, alors on nous abandonne en cours de 
				route... » J'enfonçai mes mains dans les poches de mon manteau, 
				gardant le dé au creux de ma paume, et continuai ma route.
				 
				Je marchai le long du sentier qui 
				lézardait sous le soleil d'avril, au milieu de cette prairie de 
				buissons et d'herbes folles. Mon regard se promenait à quelques 
				mètres devant moi, sautant d'une fleur naissante à un caillou 
				égaré avec régularité. Dans ma tête, un dialogue mauvais se 
				déversait comme un acide. « Que vas-tu faire maintenant, 
				monsieur l'incapable ? Je n'ai pas eu le temps d'y penser... 
				Non, évidemment, puisque tu croyais que tu allais réussir. En 
				même temps, tout le monde croyait en moi ! Certes, mais tu n'as 
				pas prévu de plan B, comme on te l'avait dit... Mais ça aurait 
				été partir perdant ! Menteur ! Tu étais un misérable petit 
				prétentieux, et il ne te reste plus que tes yeux pour pleurer. 
				Minable ! » Je ruminai tout le long du chemin, atteignis la 
				lisière du bois et fis machinalement demi-tour. Tandis que je me 
				traitais de pauvre type et que j'énumérais mes défauts et mes 
				échecs, mes pas me ramenèrent vers la maison de ma grand-mère, 
				où j'avais échoué avec toute la famille, pour ces vacances de 
				Pâques où j'aurais dû travailler d'arrache-pied.  
				Je passai le portail, barrière 
				inutile entre la prairie et le jardin semblables en tout point, 
				et me dirigeai vers la porte d'entrée. Alors que je 
				l'entrebâillai, un tintamarre familier jaillit de l'ouverture. 
				Carillons de vaisselle, mélodies fatiguées du vieux piano, cris 
				d'enfants. L'habituel remue-ménage qui précédait chaque repas. 
				Soudain, je me sentis las de ce joyeux désordre. Il fallait se 
				mêler aux conversations et rire aux plaisanteries pour passer 
				inaperçu, faute de quoi j'aurai le droit à un sermon du genre : 
				« l'important c'est de participer, tu restes notre fiston ». Je 
				ne savais pas ce qui me répugnait le plus.  
				Je sentis le contact du dé contre 
				ma paume. Toujours sur le pas de la porte, je le sortis de ma 
				poche. « Et toi, tu ferais quoi ? » Je joignis mes mains pour le 
				faire rouler entre mes paumes. Lorsque je les ouvrais, le dé 
				exhibait fièrement la face trois. « C'est stupide, ce n'est pas 
				une réponse... Bon, disons que pour un nombre pair j'entre, et 
				impair je me tire. » Je secouai à nouveau le dé. Toujours trois. 
				Je me tournai vers la prairie. Le crépuscule commençait à manger 
				le ciel. J'hésitai un instant.  
				Mon regard revint sur le dé. Les 
				trois petits points noirs ressemblaient à des yeux inquisiteurs 
				qui m'ordonneraient de respecter mon engagement : « Impair, tu 
				te tires ». « Bon, puisqu'il le faut. » J'ouvris la porte tout 
				grand, criai qu'ils ne m'attendent pas pour manger et la 
				refermai aussi sec.  
				Je traversai le jardin en sens 
				inverse. Je me sentais léger. L'idée de m'enfoncer dans la nuit 
				sur un bête lancer de dé avait quelque chose de grisant. Je 
				contemplai l'objet, toujours dans ma main. Les rayons du 
				couchant n'avaient plus la force de ricocher sur sa surface, et 
				pourtant, je percevais comme un éclat sur ses arêtes, comme un 
				clin d'œil qu'il me ferait. « Tu deviens timbré, mon pauvre 
				vieux. »  
				Arrivé au portail, je me demandai 
				par où aller. Une fois de plus, je décidai de m'en remettre à 
				mon dé. « Pair la forêt, impair la rivière. » Je fis rouler le 
				petit cube entre mes paumes. Quatre. Avec le sourire stupide de 
				celui qui va sans se poser de questions, je pris le chemin des 
				arbres.  
				La forêt baignait dans une 
				semi-obscurité. Ça et là, d'une trouée de feuillage tombait une 
				colonne de lumière ambrée, vestige du jour qui s'achevait. 
				L'arrivée de la nuit ajoutait à la mélancolie que je traînais 
				comme un boulet depuis des jours. Mon pas se fit à nouveau lent, 
				mes épaules s'affaissèrent. Mon avenir n'était que brouillard 
				après l'échec que je venais d'essuyer, et je n'avais pas la 
				force de réfléchir à la façon dont je pourrais le sauver. Je me 
				sentais si misérable ! Je m'étais noyé dans le travail. Puis, 
				obligé de reconnaître que j'étais incapable de refaire surface, 
				obligé d'accepter ma médiocrité, j'avais piteusement quitté les 
				bancs de la fac.  
				Tout à mes sombres pensées, je ne 
				sentis pas l'obscurité m'engloutir. Lorsque ma conscience refit 
				surface, j'étais au beau milieu de la forêt. Je sortis le dé de 
				ma poche. Je discernai avec peine ses facettes. J'allais le 
				ranger lorsqu'une lueur venue de je ne sais où fit reluire les 
				points noirs sur blanc, comme s'il m'invitait à me servir de lui 
				à nouveau. J'obtempérai. « Pair je rentre, impair je dors ici. » 
				Il roula entre mes paumes, dans un geste qui me devenait 
				familier. Incapable de discerner quoi que ce soit dans les 
				ténèbres qui s'épaississaient de minute en minute, je lus la 
				facette comme du braille. Un. « Attends, tu vas vraiment te 
				peler toute la nuit en pleine cambrousse pour un dé ? » Je 
				considérai le cube entre mes doigts. Je n'arrivais pas à m'ôter 
				l'impression qu'un éclat animait sa surface de temps à autre. Et 
				ces signes furtifs semblaient me mettre au défi de suivre ce 
				qu'il me dictait. « Je suis peut-être un minable, mais pas une 
				mauviette. » Je décidai de rester dans la forêt pour la nuit. 
				Incapable d'aller bien loin dans le noir quasi-total, je trouvai 
				à tâtons un creux entre deux arbres et m'y pelotonnai. 
				 
				Les premiers rayons du soleil 
				vinrent chatouiller mes paupières. Je m'éveillai, tentai de me 
				lever et étouffai un gémissement. Mon corps était parcouru de 
				courbatures. J'avais les mains et le visage gelé, et les jambes 
				ankylosées. Mais au moins, j'avais relevé le défi. Pour une 
				fois, je ne m'étais pas défilé.  
				Je me levai tant bien que mal et 
				titubai entre les arbres. Un gargouillement s'éleva de mon 
				ventre. J'avais terriblement faim. Je me lançai sur le chemin de 
				la maison en espérant que mon absence de la nuit serait passée 
				inaperçue. Lorsque je poussai la porte d'entrée, tout était 
				encore silencieux. Ma famille dormait encore, et j'en conclus 
				qu'ils ne s'étaient pas inquiétés pour moi. Je me préparai un 
				énorme petit déjeuner et le dévorai en songeant à la nuit que je 
				venais de passer.  
				Naturellement, je sortis le dé de 
				ma poche. J'avais l'impression que cet insignifiant petit cube 
				m'avait manipulé.  
				« Tu dérailles ! C'est toi qui a inventé ce jeu débile du lancer 
				de dé, c'est toi qui te lances les défis. »  
				Mais mon instinct refusait cette évidence. Un bruit de pas dans 
				l'escalier me tira de ma réflexion.  
				- Tiens ! Bonjour fiston ! Bien dormi ?  
				Je répondis à mon père par un traditionnel marmonnement.  
				- Je rentre à la maison ce soir, j'ai du travail. Tu veux venir 
				avec moi, pour essayer de trouver quelque chose à faire ? Un 
				petit boulot peut-être ? Ou tu préfères te reposer encore 
				quelques jours ?  
				Il me regardait avec cette pitié qu'ils affichaient tous depuis 
				mon échec. Je soupirai. Je n'avais pas envie de prendre une 
				décision.  
				- Bon, je te laisse réfléchir...  
				Et tandis qu'il se tournait vers la cafetière, je lançai 
				discrètement le dé sur la table.  
				« Pair, je reste, impair, je rentre. »  
				Six.  
				- Je crois que je vais rester encore, Papa.  
				Il se tourna vers moi avec inquiétude.  
				- J'ai besoin de réfléchir au calme à ce que je vais faire de 
				mon avenir, improvisai-je.  
				- D'accord, je comprends. Prends ton temps fiston.  
				Je hochai la tête d'un air faussement contrit, puis recommençai 
				à me goinfrer allègrement.  
				Le dé m'avait accordé un nouveau 
				répit jusqu'au retour à la morne réalité. Il voulait encore 
				jouer, j'en étais convaincu. Sitôt mon petit déjeuner englouti, 
				je pris une douche glacée et sortis à nouveau. Je ne savais pas 
				quels défis me réservait mon nouveau compagnon de route, mais 
				mon désir d'aventures hasardeuses semblait donner des couleurs 
				plus éclatantes à la nature. Plus que jamais, j'avais envie de 
				suivre le dé par monts et par vaux.  
				La lumière du jour enflait 
				derrière la chaîne de collines à l'est. « Pair à l'est, impair à 
				l'ouest ». Le dé m'indiqua la direction du soleil levant, et je 
				le suivis aveuglément. Toute la journée, je gambadai dans la 
				campagne environnante, ne changeant de direction qu'au gré des 
				chiffres que m'indiquait le dé. Je ne pouvais me défaire du 
				sentiment qu'il ne s'agissait pas d'un objet innocent. Même 
				lorsque le soleil s'effaçait derrière un rideau de nuages, il 
				pouvait s'animer brusquement d'un éclat malicieux qui piquait 
				mon œil comme un regard de défi. A mesure que les heures 
				s'écoulaient, il me sembla qu'il me guidait de plus en plus loin 
				au cœur de nulle part, et bientôt les sentiers par lesquels je 
				courrais ne me furent plus familiers. Mais depuis la veille, 
				depuis que j'avais trouvé ce dé, une phrase tournait dans ma 
				tête : « Je ne suis pas un minable, cette fois-ci je ne vais pas 
				abandonner. » Et ainsi je poursuivais ma route.  
				Quand les premières fraîcheurs de 
				la fin de journée coururent sur la campagne, je me trouvai dans 
				une partie de la forêt dont j'ignorais jusqu'alors l'existence. 
				Un torrent grondait entre les arbres. Je voulus le longer. « 
				Pair vers l'amont, impair vers l'aval ». Deux. Je suivis comme 
				un bon samaritain le chemin indiqué, et découvris au bout d'une 
				centaine de mètres une cascade de plusieurs mètres de haut. 
				L'eau s'y déversait lourdement et tombait en flots écumants dans 
				un bassin naturel. Je voulais voir cette cascade de plus près, 
				et consultai machinalement mon dé : « Pair par le bassin, impair 
				par en haut. » Cinq. Je me lançai sur la pente abrupte qui 
				longeait la cascade. Plusieurs fois je glissai sur le chemin 
				boueux, je manquai même de tomber dans le bassin. Mais je 
				n'étais pas un minable. J'atteignis le haut de la cascade. Je 
				m'approchai tout près du bord. La puissance de l'eau qui courait 
				vers sa chute était impressionnante. Je me penchai au-dessus du 
				vide : on distinguait à peine la surface du bassin à travers les 
				gerbes d'écume qui en ressortaient. A cet instant, la présence 
				du dé se rappela soudain à moi. Je le fis rouler entre mes 
				paumes. Le dialogue entre lui et moi était devenu instinctif, je 
				n'avais même plus besoin de formuler clairement mes questions 
				dans mon esprit. Il m'indiqua d'oser marcher jusqu'au milieu du 
				cours d'eau. Le cœur battant, mais fier d'être capable de tout, 
				j'ôtai mes chaussures et posai mes pieds dans le torrent. La 
				morsure du froid et la vigueur du courant me firent serrer les 
				dents, mais j'avançai résolument vers le centre. Je me sentais 
				plus courageux que jamais. Une fois arrivé là où l'eau était la 
				plus profonde, je fis quelques pas prudents vers le bord de la 
				cascade. De là, les flots du bassin étaient encore plus 
				impressionnants. Un pas aurait suffit pour m'y jeter. 
				 
				J'ignorais ce qui se trouvait 
				sous la surface écumante. Il pouvait n'y avoir que de l'eau, il 
				pouvait aussi y avoir des rochers abrupts et mortels. Ma main 
				glissa lentement vers la poche, en sortit le dé. Il me parut 
				étincelant. Pour la énième fois, je le roulai entre mes paumes 
				en contemplant les remous féroces quelques mètres plus bas. « 
				Saute », dit le dé. Mes doigts se crispèrent sur ses faces. Il 
				me sembla rayonner encore davantage si cela était possible. « Je 
				ne suis pas un minable, je n'abandonnerai pas. » Je sautai.
				 
				Dépêche du 15 avril 2009 – 
				Mort tragique d'un étudiant dépressif. Comme chaque année, les 
				études de médecine comptent un taux record d'échecs parmi leurs 
				candidats. Mais hier, c'est une véritable tragédie qui a secoué 
				les étudiants de la fac de Toulouse : le suicide de l'un de 
				leurs camarades, qui avait récemment abandonné les cours. Côme 
				Alberand, 19 ans, a été retrouvé noyé à quelques kilomètres de 
				Saint-Rémi, sur les rives du torrent qui traverse la forêt. Les 
				autorités locales supposent qu'il s'est jeté du haut de la 
				cascade en amont. Ce tragique exemple illustre la … 
				 
				Juliette referma le journal. Elle 
				relisait les premières lignes de cet article pour la dixième 
				fois, et elle était enfin arrivée au pied de cette fameuse 
				cascade où l'on pensait que Côme s'était donné la mort. Elle 
				avait dû marcher plusieurs heures avant d'y parvenir. Des bandes 
				rouges et blanches encerclaient le périmètre. Elle passa 
				en-dessous.  
				Elle avait peine à y croire. Elle 
				savait que son ami souffrait de son échec, mais pas au point 
				d'abandonner la vie. Pensive, elle se promena le long de la 
				rive, les yeux rivés au sol. Soudain, son regard fut attiré par 
				un éclat blanc entre deux rochers. Elle se pencha. Un dé. 
				Machinalement, toute à sa réflexion, elle le ramassa, puis se 
				tourna à nouveau vers la cascade. « Est-ce que je monte voir 
				là-haut ? » Ses doigts jouaient avec le dé. Elle le considéra à 
				nouveau. « Laissons le hasard en décider... Disons qu'au-dessus 
				de 3, je vais voir. » Elle lança le dé. 
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