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 "Il n’avait qu’un seul indice, cette 
		voiture inconnue stationnée depuis deux jours au coin de la halle..."
		Quarante et un  
		Il n’avait qu’un seul indice, cette 
		voiture inconnue stationnée depuis deux jours au coin de la halle. 
		Ce matin-là, comme à son habitude, le vieil homme avait contourné la 
		place du marché pour aller prendre son journal à la boutique de Presse. 
		Depuis bien des années déjà, il s’octroyait ce plaisir modeste ; c’était 
		sa routine du petit matin, avant de regagner la grande bâtisse qui 
		dominait le bourg, fière de sa façade en granit et sévère comme une 
		forteresse. C’était là qu’il était attendu. Par son petit déjeuner. Et 
		par le sourire un peu éteint, comme délavé, de Jeanne, la gouvernante 
		sans âge qui était à son service depuis que le temps s’était arrêté.
		 
		En sortant de la boutique, il sentit sur 
		ses épaules le ruissellement de la bruine. Callac s’était mise en gris, 
		au bonheur des hortensias qui affichaient leur fraîcheur rosée à 
		l’entrée de la halle. En s’ouvrant, la corolle du parapluie fit, 
		l’espace d’un instant, comme un voile noir. Au petit clic du mécanisme, 
		ce fut la lumière. Plein cadre sur cette voiture, à la manière d’une 
		photographie. Non que la présence d’une voiture inconnue à cet endroit 
		pût avoir quoi que ce soit de surprenant. Mais il y avait eu l’échange 
		des regards. Trop intense. Comme une brûlure soudaine. L’inconnu qui 
		venait de verrouiller sa portière pouvait avoir une quarantaine 
		d’années. Blouson de cuir et col roulé, à cette distance, les traits 
		paraissaient plutôt fins, le visage allongé, les tempes un peu 
		dégarnies. Les cheveux étaient en bataille.  
		Il y a de la violence quand les eaux 
		tranquilles du fleuve rencontrent les premières vagues de la mer à la 
		marée montante. C’est un peu cette turbulence que ressentit le vieil 
		homme quand il croisa ce regard si insistant. Dans ces eaux mêlées, il 
		crut percevoir stupeur et confusion.  
		Un instant, l’inconnu sembla hésiter à 
		traverser la rue. Peut-être même esquissa-t-il un mouvement de la main, 
		mais le regard prit la fuite. L’homme avait disparu derrière la ruelle.
		 
		oOo  
		- Ah, vous voilà, Monsieur le Recteur ! 
		Venez vite prendre votre petit déjeuner.  
		Jeanne a débarrassé le vieil homme de sa cape et repart vers la cuisine 
		en trottinant à pas glissés, comme une souris.  
		- A propos, dit-elle, un monsieur est venu tout à l’heure. Il a demandé 
		si vous étiez là. Je lui ai dit que vous n’étiez pas encore rentré, mais 
		que vous seriez pris toute la journée.  
		- Et que voulait-il ?  
		- Ca, il ne me l’a pas dit. Il avait l’air soucieux et pressé. Il n’est 
		pas d’ici. J’ai vu sa voiture, elle est immatriculée dans le 16. Ça doit 
		être la Charente.  
		Un voile bleu, léger comme un nuage de 
		beau temps, est passé dans le regard de Jeanne. L’espace d’un instant. 
		Comme la vibration d’un doute ou d’un étonnement.  
		- C’est drôle, dit-elle, j’ai comme l’impression d’avoir déjà vu cette 
		personne quelque part… il y a très longtemps. A propos, Monsieur le 
		Recteur, la famille Le Maheu a téléphoné. La levée de corps a été 
		avancée d’une demi-heure. Vous avez tout juste le temps de prendre votre 
		petit déjeuner et de vous y rendre.  
		oOo  
		Quand il est arrivé à Kervern, le 
		corbillard était déjà là. Aux alentours, l’éclat mouillé de quelques 
		genêts et le désordre des objets que l’on pourrait croire abandonnés 
		depuis toujours dans les cours de ferme. Le Recteur connaît tout de 
		cette terre, les ciels changeants, les odeurs de fumier et de pomme 
		mélangées. Et il aime ces gens qui essaient de survivre en trouvant le 
		temps de croire encore un tout petit peu au Ciel et à ses mystères.
		 
		Il est entré dans la grande pièce. Sur le 
		sol en terre battue, une longue table, deux bancs et un buffet en 
		merisier. Ici, on cire le bois pour les grandes occasions. L’unique 
		miroir de la maison, accroché au-dessus de l’évier en pierre, a été 
		recouvert d’un linge. Sur le lit, un homme est allongé, par-dessus le 
		drap, un chapelet entre les doigts croisés sur la poitrine. Les pieds du 
		mort ont été chaussés d’une paire de feutres tout neufs. Deux 
		inscriptions au pochoir accusent, en violet, la pointure : 41. 
		 
		L’extravagance de cet instantané. 
		Burlesque dérision de l’image. Quelques nuances violacées sur les fonds 
		sombres pourraient compléter le tableau, d’où se détacherait, en rouge 
		vif, tout un bestiaire infernal. Le vieil homme est fatigué. Il se dit 
		que ce doit être l’âge. Et peut-être, aussi, trop de solitude. 
		 
		Quarante et un, c’était la guerre. Mais 
		que t’importait la guerre ? Tu avais déjà perdu la vision des choses, 
		comme si l’on t’avait mis un voile sur les yeux, transparent bien sûr 
		pour que tu continues à entrevoir le passage de la vie, mais un voile 
		tout de même qui entretient les ombres et le brouillard alors que 
		peut-être pourrait rayonner la pleine lumière, pourquoi donc cet 
		acharnement de la mémoire, n’y aurait-il eu que du vide dans ta vie 
		depuis que « cela » est arrivé, tu t’étais pourtant juré et tu as essayé 
		mille fois d’oublier... oublier ces trois mois de cantonnement à Brest 
		et la rencontre de cette femme, c’était la guerre bien sûr, mais 
		rappelle-toi plutôt comme la lande était belle ce jour-là sur les 
		falaises de Trémazen et cette panique délicieuse quand tu as prononcé 
		les premiers mots, quand tu as osé les premiers gestes, le soir même sur 
		la route du retour, tu lui as dit ton remords, tu lui as récité tout un 
		fatras de leçons tristes sur ton devoir et tes engagements, pourquoi 
		l’avoir blessée si vite alors que vous étiez encore dans les étoiles, 
		pensais-tu encore à ce moment là, que le bonheur était à chercher dans 
		l’au-delà ? Si tu avais cessé de croire à cette chimère, tu ne serais 
		pas là aujourd’hui, tu n’aurais pas passé ta vie à enterrer de pauvres 
		bougres avec des feutres tout neufs, ou à marier des jeunes gens, tu 
		n’aurais plus parlé de l’éternité, tu te serais contenté de la saisir au 
		vol, par petites touches de plein bonheur, à la fleur de la peau, oui 
		c’est bien au mois de juin que tout a basculé, tes remords n’avaient été 
		qu’un feu de paille mais tout s’était enflammé si vite et il y eut cette 
		convocation à l’Evêché de Saint Brieuc, glaciale et péremptoire, 
		l’attente interminable dans le salon lambrissé et les pas feutrés du 
		Prélat sur le parquet ciré, l’intrusion du violet et de l’onction dans 
		l’ombre de ce palais désuet, tu as baisé l’anneau et tu as relevé la 
		tête comme un pénitent, comment oublier ce visage, les traits tirés, les 
		lèvres pincées, le front cireux sous la calotte et cette brume dans le 
		regard comme si toutes les vallées de larmes du monde s’y étaient donné 
		rendez-vous, relevez-vous je vous prie, je n’ai que peu de temps à vous 
		accorder pour vous dire que vous nous avez beaucoup déçu, votre conduite 
		avec cette… disons cette femme, a fait suffisamment scandale pour que 
		nous prenions les dispositions qui s’imposent, j’ai cru comprendre que 
		vous regrettiez cet égarement, j’aime à croire votre sincérité et 
		surtout votre détermination à ne plus jamais revoir cette personne, vous 
		irez donc faire retraite pendant quelque temps à l’abbaye de Landévénec, 
		le père abbé n’y manque pas d’humanité, il vous fera bon accueil et vous 
		aidera à franchir cette mauvaise passe, en septembre, vous prendrez vos 
		nouvelles fonctions de Recteur à la Paroisse de Callac.  
		Deux appariteurs se sont introduits 
		discrètement dans l’ombre. La veuve est restée assise à la tête du lit, 
		comme pour prolonger l’instant avant le départ. Quelques gouttes de cire 
		ont coulé du candélabre et se sont répandues sur le drap. Elle a 
		machinalement tendu la main pour gratter la tâche, du bout de l’ongle. 
		C’est dans ce mouvement que le vieux Recteur a croisé son regard gris. « 
		Il faut y aller, maintenant, dit-il ».  
		oOo  
		Les deux doigts ont encore un peu hésité 
		avant d’entraîner le chariot de la machine à écrire pour le passage à la 
		ligne.  
		- Avez-vous remarqué autre chose, Monsieur le Recteur, interroge le 
		fonctionnaire de police ?  
		L’allure est débonnaire et le regard un peu gras, mais le pli de la 
		chemise est impeccable et cet homme est rassurant avec sa neutralité 
		républicaine et son minimum garanti de courtoisie.  
		- Je comprends vos scrupules, poursuit-il, mais le plus petit détail 
		peut nous aider dans notre enquête. En l’occurrence, nous avons affaire 
		à un réseau de vrais professionnels et qui ne manquent pas de 
		sang-froid. Rendez-vous compte, chez votre confrère de Saint Servais, 
		ils ont enlevé un tableau de Latour. Dans l’église, et en plein jour ! 
		Si je peux me permettre d’insister, vous rappelez-vous autre chose ?  
		- Rien de très précis, reprend le vieil homme. Comme je vous l’ai déjà 
		dit, cet individu est venu sonner chez moi il y a deux jours. Ma 
		gouvernante l’a trouvé bizarre, agité et il n’a pas voulu donner son 
		nom. Le soir même, de la fenêtre de mon bureau, j’ai aperçu sa voiture, 
		stationnée devant le presbytère. Il faisait les cent pas dans la ruelle. 
		Et hier, il était encore là quand je suis allé chercher mon journal. 
		Debout près de sa voiture, à l’entrée de la halle, au même endroit que 
		la première fois. Je crois même l’avoir vu rôder près de l’église, quand 
		j’en suis sorti ce matin. Mais je ne suis pas vraiment sûr que c’était 
		lui. En tout cas, il n’a pas l’allure d’un voleur.  
		- Je vous raccompagne, Monsieur le Recteur et je vous remercie de votre 
		aide. A propos, vous connaissiez ce tableau ?  
		- Oui, bien sûr, Le Christ aux outrages, c’est une œuvre très célèbre.
		 
		oOo  
		Ce matin-là, Callac a repris des couleurs 
		et de la lumière. Comme à son habitude, le vieil homme est passé à la 
		boutique de presse. Avant de s’en retourner vers son presbytère, il a 
		machinalement tourné son regard vers l’entrée de la halle. La voiture et 
		l’inconnu ont disparu.  
		Il a retrouvé, là-haut son petit déjeuner 
		et le sourire délavé de Jeanne.  
		En triant son courrier, il a trouvé une 
		enveloppe blanche, sans nom de destinataire et sans adresse.  
		Callac, ce 11 oct. 1981
		 
		 
		Mon désir était si grand de vous voir. Et depuis si longtemps… Comment 
		vous dire tant d’impatience, et de peur aussi ? Mais, quand nous nous 
		sommes rencontrés, j’ai eu le chagrin de découvrir que le temps avait 
		mis trop de distance entre nous, et d’indifférence aussi, que la vie 
		avait pris le dessus et que, tout compte fait, il valait mieux en rester 
		là. En questionnant ici et là, j’ai appris que vous étiez un homme bon 
		et généreux.  
		 
		Pourquoi ne l’avez-vous pas été davantage avec la femme que vous aviez 
		aimée et avec votre propre enfant ? Comment a-t-on pu vous apprendre à 
		mépriser à ce point les choses de la vie ?  
		En fouillant dans les 
		affaires de ma mère, j’ai retrouvé une lettre de vous et une photo, que 
		je vous retourne. Dans la lettre, vous parliez avec tendresse d’un 
		enfant à peine entrevu. Pourquoi en être resté là ?  
		Le Recteur a replié la lettre. Calmement. 
		La photo, en noir et blanc est un peu passée. Au dos, on peut lire, à 
		l’encre noire : Trémazen, juin 1941. L’homme photographié doit 
		avoir un peu plus de trente ans. Il porte un col roulé et un blouson. 
		Malgré le flou de la photo, les traits du visage paraissent assez fins, 
		les tempes sont dégarnies, les cheveux sont en bataille.  
      Texte de Patrick Denys, 
		Carrières-sous-Poissy 
		(78), 2007  
        
          
            
              
                
                 
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                Fait maison 
				 Il n’avait qu'un seul indice, 
				cette voiture inconnue stationnée depuis deux jours au coin de 
				la halle… Norbert renifla en essuyant machinalement son nez 
				d’un revers de manche sale. Il laissa retomber le rideau 
				grisâtre qui habillait chichement l’unique fenêtre de son meublé 
				et d’un claquement sec fit sauter l’opercule d’une cannette de 
				bière. La mousse se répandit aussitôt sur le lino et il l’étala 
				pensivement du bout du pied. La Volvo était garée à deux pas du 
				seul hôtel du patelin, mais le type n'était pas là pour faire du 
				tourisme, ça non. Visiter St-Léonard-le-Fieux, c’était l’affaire 
				d’un quart d’heure, et encore, en prenant son temps et les yeux 
				fermés, parce que c’était vraiment moche. Non, le gus était là 
				pour une raison précise et Norbert avait sa petite idée. Il vida 
				sa bière d’une traite et suspendit son souffle quelque secondes 
				avant d’expulser un rot libérateur qui lui permit de reprendre 
				le cours unique de ses pensées : la Volvo de ce salopard qui 
				voulait lui piquer la place chez Chevret…  
				Deux ans de chômage à se tourner 
				les pouces dans cette piaule de misère, deux ans de RMI à trois 
				cent trente euros par mois pour se payer des clopes, de la 
				bière, des patates et son loyer, dans l’ordre. Et tout d’un 
				coup, cette offre d’emploi que l’Anpe lui avait envoyée : 
				Chevret recherchait un charcutier-traiteur expérimenté pour un 
				contrat à durée indéterminée, à temps plein, 1300 euros par 
				mois. Norbert avait toussé, incrédule : voilà que l’Anpe lui 
				proposait un vrai boulot, à lui, malgré ses cinquante-trois ans, 
				ses ongles bordés de noir et les petites indélicatesses qui lui 
				avaient valu un licenciement sans indemnité… Un poste chez 
				Chevret, le plus gros traiteur du département, une vingtaine 
				d’ouvriers, des récompenses et des prix en veux-tu en voilà, une 
				clientèle pleine de fric, tout ça pour lui, à cinq minutes à 
				pied… Il avait aussitôt téléphoné et pris rendez-vous pour le 
				lendemain avec le patron. Il s’était même offert une nuit à 
				l’hôtel, histoire de se récurer, parce que dans son meublé, des 
				sanitaires, il n’y en avait pas. Il avait pris un vrai petit 
				déjeuner, pas de bière ni de cigarette, ça attendrait pour une 
				fois.  
				Dès le début de l’entretien, il 
				avait senti que Monsieur Chevret l’avait à la bonne : il ne 
				cessait d’écarquiller les yeux devant les certificats de travail 
				que Norbert exhibait l’un après l’autre pour ménager le suspens. 
				Le patron l’avait interrogé sur ses recettes, sa technique, et 
				Norbert, faussement modeste, avait sorti d’un sac en plastique 
				toutes ses médailles de meilleur ouvrier de France. L’autre ne 
				cessait de hocher la tête et Norbert jubilait : 1300 euros, un 
				logement décent, une bagnole… Mais l’horizon s’était brusquement 
				assombri quand le traiteur avait précisé après un toussotement 
				de pure forme :  
				- Votre expérience m’intéresse, bien sûr, mais je ne vous cache 
				pas que vous n’êtes pas le seul candidat… J’ai d’autres 
				rendez-vous, voyez-vous…  
				Nouveau toussotement, puis :  
				- Un jeune homme en particulier, un Parisien… Une autre 
				génération, que voulez-vous, d’autres méthodes… Il viendra faire 
				un essai la semaine prochaine, après quoi je reprendrai contact 
				avec vous si toutefois...  
				Sur ce, Chevret s’était levé en lui tendant la main et Norbert 
				avait compris que c’était foutu, sauf qu’au dernier moment cet 
				abruti avait ajouté :  
				- Hum… Dites-moi, ces rognons, ces pâtés en croûte, ces 
				grattons, ce gras-double, enfin vos spécialités, il n’y aurait 
				pas moyen d’y goûter par hasard, ça pourrait faire pencher la 
				balance…  
				- Heu, si, bien sûr… avait menti Norbert, aux abois.  
				- Bon, eh bien amenez-moi rapidement quelques échantillons !
				 
				Là-dessus Norbert était allé 
				s’enfiler deux demis au bar du coin en se demandant comment il 
				avait pu être aussi con ! Des échantillons, mais oui Monsieur ! 
				Et il allait les trouver où, hein, les pâtés en croûte ? Il 
				allait les fabriquer comment ? En achetant de la bidoche sous 
				vide à Intermarché, c’est ça ? Qu’il cuisinerait sur son réchaud 
				?  
				Il était rentré chez lui à pas 
				lents, les épaules voûtées, contemplant tristement au loin les 
				champs de blé et de seigle à perte de vue. Pas la plus petite 
				pâture, pas le moindre élevage où il aurait pu dérober un 
				porcelet pour le trucider d’un coup de lame avant de le débiter 
				sur le lino pourri de sa chambre.  
				Il avait passé la semaine à 
				picoler comme jamais, de la bière au litre, et la Volvo était 
				arrivée. A tous les coups, c’était la bagnole du type, celui de 
				« l’autre génération ». Immatriculée 75, ça suffisait pas comme 
				indice ? En deux jours, il avait sûrement dû lui en préparer des 
				petits plats au père Chevret, des cailles désossées façon 
				je-t’en-bouche-un-coin, des galantines de perdreau aux morilles 
				à la je-t’en-fous-plein-la-vue…  
				A nouveau planté devant sa 
				fenêtre, fort de l’alcool qui lui chahutait le sang en lui 
				bouchant lentement les artères, Norbert prit sa décision : il 
				allait lui offrir la trouille de sa vie, au petit Parisien. Il 
				aurait tellement les foies qu’il foutrait plus jamais les pieds 
				à St-Léonard-le Fieux, plus jamais !  
				La nuit à peine tombée, armé 
				d’une tige en acier recourbée, il crocheta sans la moindre 
				difficulté la portière arrière de la Volvo. Personne dans la 
				rue, pas d’alarme, du velours. Il s’affala sur la banquette en 
				sortant une cannette de sa poche et se mit à laper goulûment. Au 
				bout de quelques minutes, il sombra dans un état à mi-chemin 
				entre torpeur hébétée et somnolence, dont il émergea brutalement 
				lorsque la portière du conducteur s’ouvrit.  
				Le type s’installa au volant et 
				Norbert, vif malgré sa corpulence, lui glissa aussi sec son 
				avant-bras autour du cou en susurrant :  
				- Alors, on fait dans la cochonnaille ?  
				L’autre tenta de se débattre mais la prise était ferme et se 
				resserrait tant et si bien qu’il ne pouvait ni tourner la tête 
				ni prononcer un mot. Norbert poursuivit, doucereux, à mi-voix : 
				- On veut épater Papa Chevret, c’est ça ?  
				Puis il se mit à gueuler, exhalant une haleine si lourde que le 
				Parisien, au comble du dégoût, arrêta aussi sec de respirer :
				 
				- Eh ben, ça va pas se passer comme ça ! Tu vas te casser, et 
				plus vite que ça, sinon je te mets toute la racaille de 
				St-Léonard aux trousses ! Des gentils petits gars avec des 
				cutters, tu seras pas beau à voir, tu piges ? Mais sa victime, 
				aveuglée par la panique, fit tinter le klaxon en donnant un coup 
				de genou dans le volant, alors Norbert beugla, hors de lui :  
				- Ca va pas non ? Tiens prends ça !  
				Et d’un geste violent, il lui abattit sur le crâne le marteau 
				qu’il avait pris avec lui par précaution. Puis il retira son 
				avant-bras et le type s’effondra mollement sur le tableau de 
				bord.  
				Norbert essuya la sueur qui 
				l’aveuglait, remit le marteau et la cannette vide dans sa poche 
				en essayant de reprendre son souffle. Voilà, c’était fait, il 
				viendrait plus l’emmerder, celui-là, lui piquer sa place et puis 
				quoi encore ?  
				Il attendit un moment, un peu 
				sonné, puis il se pencha en avant, histoire de voir si le petit 
				gars remuait encore. Il l’attrapa par les épaules et se mit à le 
				secouer, sans résultat. Au prix d’un sérieux effort, Norbert 
				bascula lourdement sur le siège avant pour regarder le corps de 
				plus près : le dessus de la tête était défoncé, le sang poissait 
				les cheveux et le col du blouson, et les yeux du type étaient 
				grand ouverts.  
				- Ben merde alors, murmura Norbert en guise de sobre épitaphe.
				 
				Dégrisé, il comprit qu’il venait 
				de se fourrer dans le pétrin. Comme s’il avait besoin de ça… Il 
				passa les cinq minutes suivantes à se lamenter, déplorant de ne 
				pas avoir sous la main une cannette bien fraîche à vider. De 
				toute façon, il ne pouvait pas rester là et le macchabée non 
				plus… Non, il fallait qu’il le monte chez lui, après il boirait 
				un coup, il irait pisser et il aviserait. Il souleva la main 
				inerte qui pendait devant lui et regarda l’heure : à minuit et 
				demi, tout le monde dormait à St-Léonard-Le-Fieux, il pouvait 
				être tranquille. Il descendit de voiture, extirpa le cadavre de 
				l’habitacle et le hissa sur son dos en soufflant. Ainsi chargé, 
				il regagna son logis en ahanant, stimulé par la bière brune qui 
				l’attendait dans le frigo. Il poussa la porte, alluma la lumière 
				et se débarrassa de son fardeau avec un soupir de soulagement.
				 
				Ce n’est qu’un peu plus tard, en 
				sirotant sa mousse les yeux fixés sur le corps sans vie, que 
				l’idée lui vint. Chevret voulait goûter ses terrines, ses pâtés, 
				ses tripes, son boudin, son gras-double, ses rillettes et ses 
				grattons ? Eh bien il allait être servi !  
                Texte de Agnès Gros-Laroche, 
				Angoulême (16), 2007 
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                Si lisse, si parfait
				
				 « Il n’avait qu’un indice, 
				cette voiture inconnue stationnée depuis deux jours au coin de 
				la halle… »  
				Je sursaute. Les mots que je 
				viens de lire dans mon nouveau roman policier font ressurgir 
				violemment les images que je tente en vain d’effacer depuis dix 
				ans… Une voiture inconnue stationnée au coin d’une halle… 
				sauf que pour moi il ne s’agissait pas d’une voiture inconnue…
				 
				Ce jour-là, je l’avais remarquée 
				tout de suite, la voiture : une 205 blanche, au pare-choc 
				arrière légèrement enfoncé, avec une numérotation 
				particulièrement facile à retenir : 1234XX31. La voiture d’Omar, 
				mon frère.  
				Je m’étais étonné, sans plus, mon 
				frère ne travaillant ni ne logeant dans ce quartier, mais après 
				tout, il devait avoir ses raisons pour s’être arrêté là. J’avais 
				attendu, espérant qu’Omar ne tarderait pas à apparaître, et que 
				nous pourrions nous retrouver au café du coin… J’étais venu par 
				curiosité, je voulais admirer la nouvelle halle où se 
				tiendraient dorénavant les marchés et probablement d’autres 
				manifestations. Tout en surveillant la voiture, j’avais pris le 
				temps d’admirer ce superbe ouvrage, alliage harmonieux de bois, 
				de pierre et de métal. Dommage que j’habite si loin du centre, 
				m’étais-je dit, je viendrais volontiers faire mon marché ici.
				 
				Pour attendre Omar, je finis par 
				m’installer au café, rebaptisé « À la halle ». Cependant il ne 
				se montrait pas, et j’en avais assez d’attendre. S’il était là 
				pour la journée, il n’aurait probablement pas de temps à me 
				consacrer. J’observai les passants, tous pressés. Ma difficulté 
				à retrouver un emploi, suite à mon licenciement, avait entamé ma 
				confiance en moi, et j’en voulais à tous ces gens qui semblaient 
				avoir un but, qui allaient quelque part…Je ressentais aussi de 
				la jalousie envers mon frère, tout en l’aimant tendrement. Tout 
				jeunes encore, nous avions vécu la mort accidentelle de nos 
				parents et le placement dans la famille d’un oncle ; nous avions 
				le sentiment de peser, et cette souffrance avait fait de nous 
				des frères solidaires.  
				Mais, par ma faute, nos liens 
				s’étaient distendus. Omar avait réussi sa vie, il était marié, 
				père d’un petit garçon, son travail lui plaisait, du moins ne se 
				plaignait-il pas. Sa femme était charmante, douce et attentive, 
				sachant se tenir à sa place, une femme qui respectait l’homme. 
				Ils vivaient dans un quartier agréable, pas comme moi qui 
				végétais dans un triste studio mal sonorisé, et qui devais 
				supporter le bruit des voisins, les querelles au bas de 
				l’immeuble, les infâmes graffitis sur les murs… J’admirais Omar, 
				mon cadet de deux ans. Il avait tout réussi, et semblait à 
				l‘aise partout et avec tous. Sa vie ressemblait à un long fleuve 
				tranquille… J’avais donc pris quelque distance avec lui, la 
				comparaison étant trop humiliante : pas de compagne, pas de 
				travail…Omar se montrait parfait, mais cette perfection même 
				m’indisposait.  
				Omar ne se montrant toujours pas, 
				je me décidai à rentrer chez moi, bus 73, direction « les 
				Rossignols ». Ce nom évoquait un lieu champêtre, des arbres, de 
				la verdure… A l’arrêt du bus, je ne fus pas accueilli par des 
				chants d’oiseaux, mais par des cris et des disputes, comme 
				d’habitude.  
				Le soir, je m’étais senti seul, 
				et j’avais eu envie de téléphoner à Omar, mais je n’avais pas 
				osé, craignant d’être indiscret, voire importun. C’était 
				toujours Omar qui appelait, qui s’inquiétait pour moi. 
				 
				Je dormis mal la nuit qui suivit, 
				une vague appréhension…Je repensai à la voiture. Que faisait 
				donc Omar au centre ville, loin de son lieu de travail ? 
				 
				Le lendemain, je repris le 73 
				pour me rendre en ville, et là, j’eus un choc en voyant la 
				voiture qui n’avait pas changé de place. Plusieurs hypothèses 
				surgirent dans mon esprit. Omar trompait-il sa femme ? 
				Impensable. Avait-il changé de travail ? Mais la voiture ne 
				serait pas exactement au même endroit !  
				Ce qui n’était encore que de 
				l’appréhension se transformait maintenant en inquiétude. Je pris 
				l’initiative de téléphoner à Malika.  
				- Omar ? Il est en formation, parti pour quatre semaines. Il ne 
				te l’avait pas dit ?  
				- Non, je l’ignorais. Où est-il ?  
				- A Paris.  
				- Il y est allé comment ?  
				- En train évidemment.  
				- Et qu’a-t-il fait de la voiture ?  
				- Il l’a prêtée à un copain, celui qui l’a conduit à la gare.
				 
				- Et qui est ce copain ?  
				Malika n’avait pas osé me dire que mes questions investigatrices 
				étaient déplacées, j’étais le frère, toute son éducation lui 
				commandait de me répondre sans impatience.  
				Je ne pus m’empêcher d’ajouter 
				que, dans ma situation de chercheur d’emploi, la voiture 
				m’aurait bien rendu service. Gênée, elle me donna le numéro de 
				portable du copain, un certain Serge Delalande. Mais elle 
				n’avait pas l’adresse. Je l’assurai de mon soutien en cas de 
				problème, alors qu’elle ne me demandait rien…Est-ce que 
				j’existais à ses yeux ?  
				Tout cela tenait debout, et 
				pourtant mon malaise augmentait. Pourquoi Omar ne m’avait-il pas 
				confié la voiture et demandé de veiller sur Malika, retenue chez 
				elle par la garde du petit Mounir ? Je pouvais être chez eux en 
				moins d’une heure. Avait-il perdu confiance en moi ? Nous 
				n’étions pas en froid, nous avions simplement espacé nos 
				rencontres...  
				Je m’étais donné deux jours pour 
				appeler le copain. Il ne fallait pas que mon dépit apparaisse. 
				J’étais partagé entre la colère et un sentiment d’irréalité. Au 
				téléphone, je n’avais obtenu que le répondeur, une voix de femme 
				avec le message d’absence habituel.  
				Le troisième jour, je me décidai 
				à revenir au centre ville. La voiture n’avait pas bougé, c’était 
				donc que ce Delalande n’en avait pas besoin, alors que moi… Je 
				m’étais assis au café, derrière la vitre, bien décidé à 
				l’aborder quand il sortirait, car il devait forcément habiter 
				dans ce quartier. Mais j’eus beau revenir à des heures 
				différentes, il ne sortait pas de son trou, et ne me rappelait 
				pas. Je n’obtenais toujours que le répondeur.  
				Je revins une dernière fois au 
				centre, pour constater que la voiture n’y était plus. J’avais 
				alors rappelé Malika.  
				- As-tu des nouvelles d’Omar ?  
				- Pas encore, il m’avait prévenu qu’il serait très occupé et que 
				je ne devais pas m’inquiéter  
				- Donne-moi son numéro à Paris, il faut que je lui parle  
				- Je ne l'ai pas, il a dit qu'il appellerait. J'attends. 
				 
				C’était ahurissant. Malika 
				était-elle à ce point passive ? Ne se posait-elle donc aucune 
				question ? Sa soumission, que j’avais trouvée sympathique 
				jusqu’alors, m’était insupportable. Pourtant je ne voulais pas 
				l’effrayer, et je résolus de mener mes investigations sans lui 
				en faire part. Il y avait un problème, Omar ne pouvait pas avoir 
				agi avec une telle désinvolture.  
				Je décidai de contacter 
				l’entreprise où travaillait Omar. Je pourrais ainsi l’appeler au 
				siège de sa formation à Paris. Je m’y rendis le jour même, et 
				demandai à voir le directeur. Je précisai à la standardiste 
				qu’il s’agissait d’un problème urgent. Celui-ci voulut bien me 
				recevoir, après une bonne heure d’attente.  
				- Vous êtes le frère d’Omar 
				Benamin et vous prétendez que nous l’avons envoyé en formation à 
				Paris… Je suis désolé, mais je vous signale que nous formons nos 
				employés ici même. Attendez, je recherche… Ce nom me dit quelque 
				chose…Ah ! voilà, j’ai retrouvé… Omar Benamin a été licencié il 
				y a maintenant 10 mois.  
				- Mais…Comment ? Pourquoi ?  
				- Monsieur, je n’ai pas de compte à vous rendre. Votre frère 
				vous a menti, c’est tout. Excusez-moi, notre entretien est 
				terminé.  
				J’étais bouleversé, incapable d’insister. Cet homme me jetait 
				comme un malpropre. Humilié, furieux et pétri d’angoisse, je 
				sortis, fis les cent pas et attendit deux longues heures la 
				sortie des employés.  
				J’essayai de rassembler mes 
				idées, mais mon émotion était telle que je n’arrivai pas à 
				trouver la moindre logique dans ces événements. Je ne voulais 
				pas encore en parler à la police, et ne pouvais d’ailleurs le 
				faire sans l’accord de Malika. Mais elle avait peut-être reçu 
				des nouvelles… Je m’accrochai à cet espoir. Omar cherchait du 
				travail, il avait honte… Un pressentiment me vint tout à coup ; 
				je me promis d’interroger Malika…  
				J’accostai les employés. Beaucoup 
				ne connaissaient pas mon frère. C’était normal, dans cette 
				entreprise où travaillaient plus de deux cent personnes. Je 
				revins trois soirs de suite, et finis par trouver un homme qui 
				se souvenait parfaitement de lui. Jeune, sympathique, voyant 
				dans quel état j’étais, il accepta de me parler.  
				- Omar est votre frère et vous le 
				cherchez ?… Il a été licencié soi-disant pour faute 
				professionnelle, mais je n’y ai jamais cru? C’était un prétexte, 
				son supérieur hiérarchique ne pouvait pas le supporter. Les 
				quelques collègues qui le connaissaient n’ont pas pu protester… 
				les menaces voilées, vous voyez ce que je veux dire…et puis 
				c’est vrai que nous ne savions pas…enfin je veux dire qu’on ne 
				connaît jamais bien les gens…Omar était mystérieux, extrêmement 
				sérieux, toujours à l’heure, jamais malade, et il avait de la 
				classe…Finalement c’est peut-être cela que son chef ne 
				supportait pas, de se sentir inférieur à son inférieur… Il 
				l’aura pris en grippe, et alors vous savez comme c’est facile de 
				pousser quelqu’un à la faute…En fait, Omar était intimidant, 
				secret, il ne parlait jamais de lui, il écoutait volontiers, 
				toujours prêt à rendre service aussi… Jamais il ne s’est joint 
				aux autres pour un repas de fête, encore moins pour aller boire 
				un verre. Il déclinait poliment, il ne voulait pas laisser sa 
				femme, surtout depuis qu’il était père. Car, oui, il nous avait 
				quand même annoncé cette naissance, il était si fier…C’est 
				peut-être la seule fois où il est apparu plus expansif… Je me 
				souviens tout à coup l’avoir surpris un livre à la main durant 
				une pause, il était comme captivé…alors que nous, nous fumions, 
				buvions, blaguions… L’un de nous s’était penché pour voir ce qui 
				l’intéressait tant… Certains auraient bien aimé le surprendre 
				avec un de ces torchons pornographiques, ça l’aurait rendu plus… 
				humain… mais il avait prestement fait disparaître son livre, et 
				avait simplement souri à l’écoute des plaisanteries salaces…
				 
				Ce portrait concordait 
				parfaitement avec ce que je connaissais de mon frère… J’étais 
				très ému, révolté par l’évidence de l’injustice. Mais la raison 
				de son silence n’était pas éclaircie.  
				Je courus chez Malika, que la 
				sérénité avait quittée. Il ne m’était plus possible de la 
				protéger, je lui racontai tout ce que j’avais appris, et 
				attendis que ses sanglots se fussent calmés pour lui demander de 
				quoi ils vivaient depuis le licenciement. Elle ne s’était jamais 
				préoccupée de cet aspect des choses, car chaque mois, la même 
				somme d’argent lui était remise par Omar en liquide… Et encore 
				hier, elle avait reçu cette somme, toujours la même, dans une 
				enveloppe non timbrée qu’elle avait trouvée dans sa boîte aux 
				lettres.  
				Je m’étais mis à crier, je 
				n’arrivai plus à me contrôler.  
				- Malika, ce n’est pas normal, tu n’es pas naïve à ce point, 
				tout de même. Il n’y a donc pas de trace, pas de feuille de paie 
				?  
				Sans lui demander son avis, je me précipitai dans la petite 
				pièce qui servait de bureau à Omar. Elle me suivit, complètement 
				dépassée.  
				Mounir s’était mis à hurler, il 
				sentait la tension, l’atmosphère devenue électrique.  
				- Occupe-toi de lui, et laisse-moi chercher.  
				Je ne me reconnaissais plus, la terreur me rendait brutal.
				 
				Je fouillai sans retenue. Il n’y 
				avait pas grand-chose, aucun papier qui aurait pu me mettre sur 
				la voie, tout était parfaitement rangé. Je mis la main sur un 
				dossier contenant un contrat d’assurance-vie au nom de Malika, 
				et là, je sentis la sueur couler sur mon front. Sans tenir 
				compte de Malika, qui s’en remettait à présent complètement à 
				moi, je fouillai tout l’appartement, mais ne découvris rien de 
				plus.  
				Je quittai Malika, lui demandant 
				de me faire toute confiance. Elle s’affolait maintenant, mais je 
				n’avais plus de temps à perdre. Avant de me rendre à la police, 
				je suivis mon intuition et me rendis à la mosquée.  
				Je fus bien accueilli, et 
				j’appris qu’Omar était un habitué, il venait régulièrement pour 
				la prière, c’était un bon musulman, qui appliquait tous les 
				préceptes de l’Islam. Je n’arrivai pas à le croire… Nous avions 
				été élevés par mon oncle dans la méfiance de toute religion…
				 
				Je courus à la police, signalai 
				ce qu’il fallait bien qualifier de disparition. Je ne cachai 
				rien de ce que je venais d’apprendre, n’oubliai pas de parler de 
				la voiture, et de l’étrange et peut-être inexistant « Serge 
				Delalande ».  
				La voiture fut retrouvée dans un 
				terrain vague, complètement désossée.  
				Quelques semaines plus tard, un 
				attentat-suicide faisait dix morts et de nombreux blessés.
				 
				Le livre me tombe des mains. 
				Je me promets de ne plus jamais ouvrir un roman policier… Si 
				Mounir me voyait, il aurait ce petit sourire qui me met mal à 
				l’aise.  
				Malika est devenue ma femme, 
				nous avons un adorable petit garçon : Kadir, qui nous 
				émerveille. J’ai maintenant un bon travail. Et… il y a Mounir, 
				qui aura treize ans dans quelques jours. C’est le portrait de 
				son père, c’en est troublant. Mais il y a plus troublant encore 
				: il est si lisse, si parfait lui aussi, excellent élève, bon 
				fils, bon frère…  
				J’ai peur. 
				 
				Texte de Nicole Clastres, 
				Ramonville-Saint-Agne (31), 
				2007  | 
             
            
              
                
                 
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